27 août 2014

Par chemins autochtones

Mise à jour : je viens de voir la deuxième partie du documentaire Les sceaux d’Utrecht 
 
Un cours d’histoire en accéléré et une réflexion sur les enjeux du présent pour ouvrir les yeux et sortir de notre torpeur.
 
Comme le dit Alma Brooks dans cet épisode : «Je pense que les gens n’ont pas encore réalisé ce qui se passe sur le plan écologique.»
 
L’on revient à ce que disait récemment George Monbiot :
«... Nous essayons de faire le procès des gens qui se fichent totalement de la nature. Comment pouvons-nous les convaincre de changer de mentalité s’ils ne partagent pas nos valeurs? Pour moi, la réponse est simple : on ne le fait pas. (...)
       Si nous cédons au système financier en disant : «Le marché néolibéraliste est la façon d'aller de l'avant», ce faisant, nous adoptons ces valeurs sociales. Les écologistes comptent parmi les dernières lignes de défense contre la société progressiste basée sur des valeurs extrinsèques. Si nous ne nous levons pas pour dire : "Nous ne partageons pas ces valeurs, nos valeurs sont des valeurs intrinsèques. Nous nous soucions des gens. Nous nous soucions de la nature. Nous sommes intégrés à nos communautés et aux personnes autour de nous, et nous voulons les protéger, pas seulement nous-mêmes. Nous ne voulons pas être égoïstes. Ce n’est pas une question d'argent!", qui d’autre le fera?
       Alors, vous me demandez : "Eh bien, que pouvons-nous faire? Vous présentez des arguments contre les tentatives de tarification, de financialisation et de monétisation de la nature en vue de la protéger. Que devons-nous faire, alors?"
       Eh bien, ce n'est pas un mystère. La réponse a toujours été la même. Et elle sera toujours la même. La seule chose qui fonctionne, mais que nous ne faisons pas, est simplement de quitter notre fauteuil. La solution, c’est la MOBILISATION.
        C'est la seule chose qui a fonctionné, c’est la seule chose qui peut fonctionner. Tout le reste n'est que bonbon, substitut et excuse pour ne pas faire ce qui fonctionne. Et cela s'applique aux tentatives de monétiser et de financialiser la nature autant qu’à toutes les autres questions que nous ne réussissons pas à résoudre.»

~ George Monbiot (The price of everything)
http://www.monbiot.com/2014/07/24/the-pricing-of-everything/  
 
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Je préfère acheter la sauge blanche et les tresses de foin d’odeur (sweet grass) directement dans les boutiques amérindiennes (pourquoi passer par des revendeurs qui mangent leurs profits?). Le foin d’odeur est aussi appelé Herbe à bison, Herbe de Sénèque et «Cheveux de la Terre-Mère»; j’aime beaucoup son parfum un peu vanillé.

À ma dernière visite, j’ai acheté «Littérature amérindienne du Québec», des écrits en langue française colligés par Maurizio Gatti : «La littérature est un espace de liberté dans lequel un nombre grandissant d’auteurs amérindiens laissent leur marque. Ce recueil s’efforce d’en rendre compte.»

Catégorie Poèmes

AUTOCHTONICITÉ
Éléonore Sioui *

Dans un verre
De vin blanc
Déposez deux ou trois gouttes
De sang indien
Ajoutez-y une once de pollution
Brassez à l’européenne
Et vous aurez un mélange de deuxième classe
Puis fermentez le résidu de l’élixir
Qui vous procurera une troisième classe
Dont la dilution deviendra
L’Amérindien
Contaminé dans son authenticité.
Make big plans, aim high in hope and work
Do not make little plan as it gives no magic stir.

(Femmes de l’île, Rillieux, Sur le dos de la tortue, numéro hors série, 1990, p.12)

* Née à Wendake (1925-2006), Éléonore Sioui a été la première Wendat (Huronne) à avoir publié un recueil de poèmes au Québec. L’ensemble de ses activités lui ont valu en 2001le titre d’officier de l’Ordre du Canada. (…)

GARDE LE SILENCE
Jean Sioui *

Garde le silence si tu crains que le vent
n’emporte tes paroles au mauvais endroit

Arrête-toi un moment
écoute les bruits de la forêt
regarde la hauteur des arbres
respire l’odeur du bois
touche la fraîcheur du sol
et repars
enivré de vie

(Le Pas de l’Indien, Pensées wendates, Québec, Le Loup de Gouttière, 1997, p.50)

Le pas de l’Indien est léger
son empreinte est ineffaçable
(Idem; p. 12)

* Jean Sioui, né en 1948, est Wendat (Huron). Il demeure à Wendake où il conçoit des projets pour promouvoir l’écriture par les Amérindiens. (…)


Religions, États, mercantilisme, colonialisme et génocides 

À voir : un documentaire percutant et pertinent, Les sceaux d’Utrecht (en deux parties) http://ici.tou.tv/les-grands-reportages/S2014E106?autoplay=true
Réalisation : Paul Bossé

Court Synopsis
   1713, date de la signature du fameux traité d’Utrecht qui a changé la face du monde. Cette mini-série documentaire animée par le rappeur métis/anishnabe Samian présente l’histoire du point de vue de ceux qui n’étaient pas à la table pour signer un traité qui fut fort de conséquences pour toute l’Amérique. Ce regard sur les événements fait valoir la mentalité des cultures autochtones, acadiennes et européennes face à l’exploitation des terres et raconte le fondement de notre économie actuelle qui encore aujourd’hui exerce une exploitation sauvage des ressources naturelles.
   Au cours de ses rencontres, Samian découvre et questionne les conséquences de ce traité avec des penseurs et militants tels que Serge Bouchard, Chef Ghislain Picard, Dominique Rankin, les historiens Dale Miquelon, Renger de Bruin et Françoise Enguehard pour en nommer quelques-uns. http://www.samian.ca/

Mes transcriptions (première partie) :

Avant la signature du Traité de paix d’Utrecht en 1713, l’Édit du pape Nicolas V, en 1452, avait causé de nombreuses guerres entre les nations européennes :
«Par les présentes nous vous accordons la permission complète d’envahir, de capturer et de soumettre tous les incroyants et les ennemis du Christ où qu’ils puissent être et de prendre possession de leurs royaumes, principautés et autres biens.»

Serge Bouchard, anthropologue :
«Quand ils débarquent quelque part, surtout si les terres sont sauvages, vierges et non exploitées et qu’ils ne reconnaissent pas de civilisations, de pyramides, de constructions et d’infrastructures, alors là, ils vont déclarer tout simplement ‘je plante mon drapeau et prends possession de ces terres, et mon idée c’est de déclarer que ces terres ne sont à personne’. Il y a une expression en droit qui dit ‘terra nullius’, terre sans souverain, terre sans contenu, terre sans rien. La fameuse croix qu’on pense être une croix chrétienne, était une croix politique. C’était des planteux de croix. Ils arrivaient quelque part, abattaient deux arbres, les gossaient et les plantaient. Les Indiens regardaient ça et disaient : ‘Qu’est-ce que tu fais là?’»  Au sujet des traités : «Ce sont tous des langues fourchues réunies dans un salon, de mauvaise foi, qui signent des papiers qu’ils n’ont pas l’intention de respecter. C’est ça un traité. D’un trait de plume, un aristocrate avec une perruque pis des petits collants, signe : C’est à vous autres les Anglais!»

Alma Brooks, Aînée Wolastoqiyik :
«Ils ont dessiné des cartes et remplacé nos noms par les leurs. Ils on ensuite envoyé ces cartes en Angleterre pour donner l’impression que personne n’habitait ici. Mais c’était un mensonge.»

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Ne pas supporter Dieu : certainement une bonne raison pour susciter la colère de tous ceux qui s'en servent comme une arme. ~ Umberto Eco

La monarchie telle que définie par Mark Twain :
Monarchy: A select and peculiar kind of slave-proprietor who does not get his property by purchase, or trick, or beguilement, but inherits it – from an ancestor who stole it.

À chaque fois qu’un empire colonialiste s’emparait d’un pays (quelles que soient les époques), il se conduisait plus sauvagement que les sauvages qu’il entendait assimiler par la force ou exterminer purement et simplement. 

J’ai sauté au plafond en lisant des extraits du document d’enquête de Kevin D. Annet : Hidden No Longer; Genocide in Canada, Past and Present. Non pas à cause des méthodes génocidaires utilisées – toujours les mêmes horreurs! – mais parce que nous ne savions rien de ce qui se passait. Qui étaient les assassins? De fervents chrétiens supposés suivre religieusement le Décalogue. Notamment : «tu ne tueras point», «tu ne déroberas point», «tu ne convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain» – ah mais... le mot «prochain» n'incluait pas les aborigènes, bien entendu.


«Cette histoire de génocide délibéré implique tous les niveaux de gouvernement au Canada, la Gendarmerie royale du Canada (GRC), chaque église dominante, les grandes entreprises, la police locale, des médecins et des juges. Le réseau de complices de cette machine à tuer était, et demeure, si vaste que sa dissimulation a nécessité une procédure complexe de camouflage conçue par les hautes sphères du pouvoir au pays. Le cover-up se poursuit, surtout que maintenant des témoins oculaires des meurtres et des atrocités commis par l'Église dans les «pensionnats» sont révélés pour la première fois : 
   »On entend toujours des histoires au sujet de tous les enfants qui ont été tués à Kuper Island. L’existence du cimetière au sud de l’école, où l’on enterrait les bébés des jeunes filles violées par les prêtres, a été ignorée jusqu'à ce qu'il soit creusé par les prêtres à la fermeture de l’école en 1973. Les religieuses pratiquaient les avortements et parfois elles tuaient les mères. Il y avait beaucoup de disparitions. Ma mère, âgée de 83 ans maintenant, a vu un prêtre descendre un escalier en traînant une fille par les cheveux; la jeune fille est morte. Des filles ont été violées, tuées et enterrées sous le plancher. Nous avons demandé à la GRC de la région d'exhumer cet endroit et de rechercher les restes, mais ils ont toujours refusé jusqu’à récemment, en 1996. Le caporal Sampson nous a même menacés. Ce genre de cover-up est la norme. Les enfants ont délibérément été mis en contact avec des malades atteints de tuberculose à l'infirmerie. C'était une procédure standard. Nous avons recensé 35 meurtres sur une période de sept ans.»
~ Témoignage de Diane Harris au Tribunal IHRAAM, le 13 juin 1998 (agente en santé communautaire pour le Conseil de bande Chemainus, Vancouver)

Ne serait-il pas étrange, pour ne pas dire ironique, que les Amérindiens (encore rejetés, bafoués, violés, méprisés, affamés, assassinés et dépouillés de leurs ressources) sauvent le pays des odieux pipelines?
   «La route prévue pour exporter du pétrole vers l'Asie passe par le chenal de Douglas qui s'étend sur 90 kilomètres et relie l'océan Pacifique à Kitimat, terminal du controversé oléoduc Northern Gateway entre les sables bitumineux de l'Alberta et la côte ouest. Le projet ferait en sorte que des centaines de superpétroliers transportant le bitume d'Alberta utiliseraient ce passage étroit vers la mer.
   Une plainte déposée en Cour d'appel allègue que le gouvernement fédéral n'a pas tenu compte des droits autochtones et du titre ancestral de la nation Gitxaala en approuvant le projet d'oléoduc de l'entreprise albertaine Enbridge. Le jugement portant sur la nation Tsilhqot'in renforce le dossier présenté par les Gitxaala, a estimé Rosanne Kyle, l'avocate de la communauté : «Le projet Northern Gateway sera le premier cas dans lequel les implications (du jugement) Tsilhqot'in se cristalliseront». À environ 250 kilomètres au nord-est de la nation Gitxaala, la nation Gitxsan a donné aux entreprises présentes sur son territoire jusqu'au 4 juillet pour quitter les lieux.» (Source : journal La Presse)

En diplomatie, l'ultimatum est la dernière exigence avant les concessions.
~ Ambrose Bierce

La seule façon pour un rêveur de se sortir d’une situation impossible est de se réveiller. ~ D. Pelletier

À voir aussi : Le peuple invisible
Réalisation : Richard Desjardins, Robert Monderie
Production : Office national du film du Canada (ONF); 2007
https://www.youtube.com/watch?v=s9L7IIUBMk4

Synopsis : Alors que différents projets forestiers, miniers ou hydroélectriques s'intéressent aux territoires autochtones, Rémi Savard, un anthropologue qui a travaillé sur le film, nous donne cette description : «Ce n'est pas un film sur les Indiens, c'est un film sur nous». Les Algonquins vivaient jadis en symbiose avec le vaste territoire qu'ils occupaient. Cet équilibre fut rompu avec l'arrivée des Européens au 16e siècle. Peu à peu, leur mode de vie ancestral a été réduit en miettes, sans compter le pillage de leurs ressources naturelles. Ils ne sont d'ailleurs plus que 9000 personnes réparties dans une dizaine de communautés, certaines plongées dans une grande misère alors que les droits humains de ce peuple autochtone sont souvent ignorés.

COMMENTAIRE

Observer les maîtres du monde concurrencer sur l’échiquier planétaire, soutenir les tensions raciales, les désordres sociaux, les guerres frontalières et économiques, et armer simultanément les factions opposées, ne laisse guère de place à l’optimisme.

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